Voir et éviter

Notions de base :

Les règles de vol à vue qui nous concernent en ULM sont basées sur le VFR – de l’anglais visual flight rules. Il s’agit du régime de vol le plus simple, le plus libre aussi, où la prévention des collisions repose essentiellement sur le principe voir et d’éviter, ou voir et être vu. C’est la plus ancienne manière de voler et elle nécessite peu d’instruments.

En Europe, dans les espaces aériens non contrôlés, il n’y a pas d’obligation d’être équipé d’un transpondeur, pire encore, il n’y a pas d’obligation de contact radio. Ces espaces sont utilisés par les pilotes de loisir, les ULM, les aéroclubs, les planeurs, le vol libre et bien d’autres.
Dans ces zones, les pilotes appliquent la règle de « voir et éviter », et bien évidemment les différentes règles de l’air, sorte de code de la route pour les aéronefs. L’atout principal est le bon sens et le jugement du pilote aux commandes.
Nous aborderons les différentes règles de l’air un peu plus tard, mais il faut savoir qu’il n’y a pas de distance de sécurité minimale. La réglementation stipule : « un aéronef n’évolue pas à une distance d’un autre aéronef telle qu’il puisse en résulter un risque de collision ». Nous voilà bien informé !
On s’en remet donc à la vue des pilotes pour éviter les abordages.
Un peu d’histoire: la première collision aérienne historiquement attestée se déroule le 1er octobre 1910 lors du meeting aérien Milano Circuito Aereo Internazionale en Italie : Il s’agissait d’un monoplan Antoinette IV piloté par René Thomas qui entre en collision avec le biplan Farman du capitaine Bertram Dickson. Le capitaine est sérieusement blessé, et ne repris jamais les airs, décédé en 1913.

Le principe du « voir et être vu » n’est pas fiable à 100% comme plusieurs accidents survenus ces dernières années l’ont montré. Pour rappel, les collisions en vol arrivent en règle générale par excellentes conditions météo, quand le nombre d’appareils en vol est important. 

Quelles sont les limites du « voir et être vu » :

Plusieurs études ont montré que les pilotes VFR passent 50% du temps de vol avec le regard vers l’extérieur, contre 20 % pour les pilotes de ligne.

  • la technique de scanning de l’environnement extérieur
    Cela prend du temps et demande beaucoup de concentration, et ce en tenant compte des vitesses de rapprochement, qui s’additionnent dans le cas d’appareils devant se croiser de face.
    Exemple : Avec un chasseur croisant à 800 km/h, la vitesse de rapprochement atteint les 1.000 km/h pour un avion, un ULM ou un hélicoptère croisant à 200 km/h !
    Vu de face, et avec un arrière-plan qui complique la recherche des autres trafics en les « noyant » dans un fond difficile à analyser, nous risquons de ne pas détecter l’autre avion à temps.
  • les angles morts dus à l’appareil
    Les angles morts imposés par les montants des cabines peuvent être importants, limitant le champ visuel, d’où la nécessité encore de bouger la tête pour limiter ces effets.
  • les limites de la vision humaine
    Après 55 ans, surtout chez les hommes, le champ de vision se réduit. Quand le pilote analyse l’environnement, il marque des temps d’arrêt de quelques secondes pour bien identifier ou non la présence d’un autre aéronef. Un balayage complet de l’environnement prend un certain du temps. Comme L’oeil humain voit moins bien pile dans l’axe du nerf optique que légèrement de chaque côté de la rétine, il est imposé au pilote de tourner sa tête pour limiter ces effets.
  • la charge de travail à bord limitant la veille anti-collision

Comment préparer au mieux son vol dans un contexte de « Voir et éviter »:

Avant le vol :
  1. Quelles sont les zones à traverser ?
    • zones de vol à voile
    • zones de parachutisme
    • zones de départ et d’arrivée d’aérodromes très fréquentés
    • aérodromes militaires
    • zones d’arrivée et de départ IFR, VOR à fort trafic …
  2. Rappelez vous qu’il faut plus ou moins 12,5 secondes entre le moment où l’on se rend compte qu’un autre appareil risque d’entrer en collision avec votre aéronef et l’amorce de la manœuvre d’évitement.
  3. Les aéronefs qui arrivent de face sont particulièrement difficiles à identifier parce qu’ils paraissent pratiquement immobiles dans le ciel (cap constant) et qu’en pareil cas les aéronefs se rapprochent rapidement parce que leurs vitesses s’additionnent (voir ci-dessus).
  4. Evaluez les conditions atmosphériques qui ont une influence sur la distance à partir de laquelle un aéronef peut être repéré (contre-jour, brume, crépuscule, …).
  5. Tenez compte du fait que certains arrière-plans comme les terrains irréguliers, les terrains enneigés, … sont pauvres en contraste.
Préparation de votre cockpit :
  1. Limitez au strict minimum le temps passé tête basse dans le cockpit.
  2. N’encombrez pas le champ de vision en déposant des objets devant la verrière du cockpit.
  3. Demandez à votre passager de vous aider à scruter l’espace aérien.
  4. Ne soyez pas distraits par des appareils embarqués
    (portable, tablette, GPS portatif, …).
  5. Appliquez une méthode appropriée de balayage visuel de l’environnement.
  6. Bougez la tête afin d’élargir le champ de vision et d’observer la portion de l’espace aérien dissimulée par la monture des lunettes ou les montants du cockpit.
  7. Entraînez les yeux à mieux discerner et à avoir une meilleure vision de l’espace (vision de près et vision de loin).
En vol :
  1. Respectez toujours les minima de visibilité, les distances par rapport aux nuages, les hauteurs de vol minimales et les vitesses prescrites.
  2. Soyez vigilant, et prêt à changer à tout moment votre trajectoire ou à vous écarter en cas d’apparition subite d’un avion sortant des nuages, d’une vallée étroite ou surgissant derrière une crête montagneuse, ….
  3. Enclenchez le transpondeur même au-dessous de 7000ft AMSL (code 7000) afin d’être repérés par l’ATC car les informations de trafic dispensées par l’ATC aux appareils en vol IFR multiplient par huit les chances de repérer un aéronef qui se trouve sur une trajectoire de collision.
  4. Ecoutez les conversations radiotéléphoniques des autres usagers en survolant les aérodromes régionaux.
    Emettez régulièrement des avis sans accusé de réception (position, hauteur de vol, intentions) sur la fréquence 123.500 MHz, sur la fréquence d’aérodrome ou, le cas échéant, sur la fréquence montagne 130.350 MHz.
  5. Dans les conversations radiotéléphoniques, employez systématiquement la phraséologie standard afin d’être facilement compris des autres.
  6. Allumez tous vos feux afin d’être mieux vus.
  7. Enclenchez les aides embarquées permettant de réduire le risque de collision
    (ACAS, TAS, transpondeur, FLARM, FLOICE, …)
  8. Annoncez-vous avant une verticale terrain !
    La situation se rencontre hélas régulièrement… Qu’il s’agisse d’avions, d’hélicoptères ou d’ULM, des aéronefs passent régulièrement à la verticale de terrains sans être sur la fréquence de la plate-forme se trouvant sous leurs ailes…
    A éviter ! En matière de sécurité des vols il faut impérativement prévenir de son passage au moins 5 mn avant la verticale ou le passage des axes, afin de connaître l’activité réelle, voire pour faire un écart de route et éviter la verticale si de la voltige est en cours par exemple. S’ils ne savent pas où ils sont exactement, il y a alors un sérieux problème de conscience de la situation, qui plus est si le pilote a la tête « dedans », les yeux rivés sur son GPS et n’assure plus du tout le « voir et éviter ».

Les règles d’évitement :

Même si le ciel est grand, il est bien souvent encombré, notamment aux abords des aérodromes.
Il existe pour cela un certain nombre de règles et de priorités destinées à prévenir les abordages.
En premier, les priorités du moins manœuvrant au plus manœuvrant.

Un aéronef en vol a priorité sur un aéronef au sol.

Un aéronef en finale est prioritaire lorsqu’il est plus bas. On ne peut pas doubler un aéronef en finale par en dessous.
En vol, on doit céder le passage à un avion que l’on voit sur sa droite.
Le dépassement d’un aéronef se fait toujours par la droite.

Un aéronef n’a pas le droit de passer le seuil de piste à l’atterrissage tant que :

  • L’aéronef qui le précède n’a pas dégagé la piste sauf dans le cas d’une obtention de clairance « Atterrissage derrière ».
  • L’aéronef au décollage n’a pas franchi le seuil de piste opposé ou n’a pas effectué un premier virage.

Espacement entre aéronefs et avec les obstacles et les nuages:
En aéronautique, l’espacement est un des moyens utilisés par les services de la circulation aérienne pour assurer le service de contrôle. Il consiste à prévoir entre 2 aéronefs une distance verticale ou horizontale permettant de garantir la sécurité. Dans la nouvelle réglementation de la circulation aérienne à la suite de l’arrêté du 3 mars 2006 relatif aux règles de l’air et aux services de la Circulation Aérienne, le terme espacement est remplacé par le terme séparation.

Séparation horizontale entre 2 aéronefs :
La séparation est la distance entre deux aéronefs, deux niveaux, deux trajectoires. C’est un moyen utilisé par le contrôle aérien pour réduire le risque de collisions et les accidents dus aux turbulences de sillage. En cas de perte de séparation on parle de conflit.

Conclusions :

Si le « voir et être vu » reste globalement efficace, le principe reste insuffisant, d’où la mise au point de divers équipements allant du TCAS au Flarm pour compléter les moyens de prévenir une collision en vol.
Le voir et éviter peut fonctionner avec des appareils évoluant à faible vitesse. Les limitations de la vision humaine ne peuvent pas évoluer mais les pilotes peuvent améliorer leur technique de balayage visuel. Il est rappelé qu’un pare-brise propre et en bon état améliore considérablement la situation.

TCAS
Flarm

L’usage des strobes (feux à éclat) aide dans un environnement chargé ou dans un ciel sombre, mais c’est moins le cas dans un ciel clair. Le feu anti-collision, surtout s’il est de couleur rouge et non pas blanche, n’apporte pas de grande plus-value.

Il arrive qu’un des deux aéronefs parvienne à atterrir après un abordage, et parfois les différents occupants s’en sortent indemnes. Mais le scénario le plus réaliste est la destruction totale des machines et le décès des pilotes et de leurs passagers.

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